Par Sabrina Dourlens. Diffusion avec l'aimable autorisation d'AEF.
"Le travail de la TCFD sur le reporting climatique est fondamental pour aider les entreprises à comprendre les risques et opportunités liés au climat, comment faire un reporting plus complet et aller vers une stratégie de résilience", estime BSR, qui organisait un atelier "Retour d’expérience sur les recommandations TCFD : comment progresser sur sa résilience climatique", le 4 décembre 2018. On recense désormais 513 organisations qui soutiennent les recommandations de la taskforce internationale, dont Total qui fait part de son approche.
BSR, un réseau international spécialisé dans la RSE, a fait le point sur l’appropriation des recommandations de la TCFD par les entreprises, lors d’un atelier organisé le 4 décembre.
LACUNES DE REPORTING SUR LES SCÉNARIOS
Il a commencé par noter les nombreuses disparités selon les tailles d’entreprises, les régions et les secteurs. "Par exemple, le secteur des banques est bon sur l’aspect de la gouvernance et de la gestion des risques ; le secteur de l’énergie sur la stratégie et les objectifs ; et l’agriculture sur l’identification des risques et les objectifs", note Giulio Berruti, directeur adjoint de BSR. "Mais toutes les entreprises généralement, même en Europe, ont des lacunes de reporting sur les scénarios climatiques et l’identification des risques et opportunités. C’est normal car c’est le plus dur à faire. Le processus est en cours, il faut procéder par étapes."
BSR se félicite que la TCFD ait permis de donner un vocabulaire unique, c’est devenu un standard de reporting climatique : "Il ne s’agit plus de se demander s’il faut le faire mais comment." Le réseau international d’entreprises et d’expertise dédié à la RSE présente son approche : "Nous aidons les entreprises à réaliser leur feuille de route TCFD. Il faut d’abord mobiliser les bonnes parties prenantes en interne puis évaluer l’état actuel et le niveau d’ambition. Nous organisons des formations, notamment sur la construction de scénarios. Nous passons ensuite à la mise en œuvre en construisant un modèle de gouvernance, une stratégie avec des objectifs et indicateurs, une équipe spécialisée dans les risques. Nous explorons ensemble des scénarios, nous identifions les signaux de changement, et les dynamiques", rapporte Jonathan Morris manager chez BSR.
QUELQUES EXEMPLES DE BONNES PRATIQUES
"Il n’y a pas encore de leader dans les quatre piliers de reporting de la TCFD. Mais certaines entreprises ont déjà de bonnes pratiques chacune dans leur domaine", remarque l’expert de BSR. Par exemple, Citi fournit une description détaillée de sa gouvernance sur le climat, dont les responsabilités spécifiques de son conseil climat et durabilité. Le groupe intègre les risques physiques et de transition dans ses analyses de scénarios 2 °C, partage ses méthodologies, hypothèses et constats sur les entreprises de l’énergie et du pétrole et gaz.
Allianz présente pour sa part deux impacts climatiques potentiels sur sa stratégie, et la manière dont l’entreprise utilise des stress tests et des scénarios pour anticiper la projection à long terme. L’assureur fournit une description détaillée de la façon dont les risques climatiques sont intégrés dans ses systèmes et processus, dont les résultats des analyses de risque sont utilisés, et des initiatives auxquelles l’entreprise participe pour détecter les risques émergents.
De son côté, Axa fournit deux scénarios climatiques et fait le lien entre les impacts climatiques potentiels et ses données financières via une estimation de la valeur exposée. L’assureur fournit ses méthodologies et des analyses de tendance historique pour ses données climatiques, précisant le contexte pour expliquer l’influence de ces tendances et l’influence potentielle des futures politiques climatiques des pays.
DES RECOMMANDATIONS "PAS FACILES À APPRÉHENDER"
"La TCFD introduit quelques nouveautés comme l’inclusion des données sur le climat dans le rapport financier annuel", souligne Bertrand Janus, responsable du reporting RSE et des relations investisseurs chez Total. "Il ne faut pas seulement fournir des informations sur le carbone mais sur la résilience des portefeuilles d’actifs. Enfin, il faut savoir où l’entreprise va dans les années qui viennent."
"Les recommandations de la TCFD ne sont pas faciles à appréhender mais le secteur énergétique ne les avait pas attendues. Déjà en 2014, notre nouveau PDG Patrick Pouyanné, avait conscience de la nécessité de faire évoluer le business model", rapporte l’expert de Total. En 2016, le groupe a rédigé un rapport de 40 pages sur le climat. "La loi sur la transition énergétique nous a aussi amenés à divulguer nos émissions indirectes et notre stratégie. Cela faisait une bonne base de départ pour la TCFD", estime Bertrand Janus. "Nous avons donc pris en compte ce nouveau cadre pour notre rapport 2017 en complétant notre section climatique. Nous réfléchissons à intégrer le prochain, prévu pour mars 2019, dans notre document de référence."
En juillet 2017, le PDG de Total a écrit une lettre au président de la task force Michael Bloomberg pour lui signifier son soutien mais aussi des interrogations sur les scénarios, et proposer son aide pour les futures réflexions. "En automne 2017, nous avons été conviés à un groupe de travail sur le pétrole et le gaz avec Shell, Statoil et Eni. Notre travail s’est achevé à l’été 2018 et nous avons publié un rapport sur le site du WBCSD", indique Bertrand Janus.
LE CLIMAT INTÉGRÉ À LA STRATÉGIE DE L’ENTREPRISE
"On voit une pression s’installer sur les entreprises de la part des régulateurs et des actionnaires. La demande d’information et de transparence est croissante", constate Antonios Panagiotopoulos, associé en charge de l’industrie pétrolière et gazière à MSCI ESG Research. Pour l’expert, "toutes les entreprises devraient connaître la TCFD et faire leur reporting selon ces standards. Elles devraient à terme être capables de faire des prévisions et des stress tests, même si on en est encore loin. Ces objectifs climat devraient être diffusés dans toute l’entreprise et pas seulement rester au niveau de la direction".
Bertrand Janus a remarqué une forte évolution depuis 10 ans. "Chez Total, avant c’était le département développement durable qui gérait le climat. Maintenant il est intégré à la stratégie de l’entreprise et aux prises de décision. La prise en compte du climat entraîne un changement de notre modèle. Nous développons les énergies renouvelables, le stockage de l’électricité, la fourniture de l’électricité verte… Nous travaillons avec d’autres pétroliers comme Shell pour réfléchir à la manière de transformer le modèle énergétique."
"Le plus dur est de développer des scénarios à long terme pour 2040 ou 2050. Nous allons communiquer début 2019 sur un scénario de Total sur le changement climatique. On peut déjà dire que sans un prix du carbone, il sera difficile d’atteindre les 1,5 °C…", avance l’expert de Total.
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